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Campagne du Soldat Laurent CLAVEYROLAS

26éme Bataillon de chasseurs




Laurent CLAVEYROLAS est appelé à l'activité le 8 octobre 1913. Il arrive au 5ème Bataillon de Chasseurs, cantonné à Remiremont caserne Marion.


Le 1er août, à 5 heures, le bataillon occupe la frontière, du col de la Bresse au col de Ventron inclus, avec en liaison à gauche, le 152ème régiment d'infanterie et en liaison à droite, le 15ème bataillon de chasseurs. il se tient à une moyenne de 10 kilomètres de la frontière, couvert par des compagnies de douanes de la Bresse et de Ventron.

Le 4 août les compagnies du bataillon se portent dans la matinée à la ligne frontière. La 5ème compagnie occupe le col de Bramont. Parallèlement à la grand'route, court sous bois un sentier assez escarpé et difficile; soudain sur ce chemin apparaissent cinq cavaliers allemands ayant à leur tête un officier. Les hommes ont mis pied à terre et conduisent leur monture à la main, la lance pendue à la selle. Les chasseurs de garde donnent l'alarme, une section prend position derrière de gros rochers qui dominent le col; elle surveille la marche des cavaliers ennemis qui ne semblent pas soupçonner la présence de troupes françaises à la frontière qu'ils franchissent sans hésiter. Devant cette provocation évidente, les chasseurs ouvrent le feu, quatre chevaux touchés à mort roulent dans le ravin, les hommes surpris détalent et disparaissent sous les sapins.

Dans la soirée, le lieutenant commandant la section du col effectue une patrouille dans le ravin et est assez heureux pour ramener quatre lances, 4 sabres, 4 selleries complètes et la sacoche de l'officier. Dans cette sacoche on trouve, non seulement l'ordre de mission de la patrouille qui devait, par le col de Bramont, descendre sur La Bresse-Cornimont- et Remiremont pour tenter d'y faire sauter la gare, mais encore la carte complète de la couverture allemande au 4 août 1914.



En Alsace.


Le 7 août, à 2 heures, la 41ème division, dont fait partie le bataillon, reçoit l'ordre de franchir la frontière et de se porter en Alsace. Le 5ème chasseurs reçoit comme objectif les hauteurs à l'est de la vallée de Krutt, depuis le sommet dit de Batriekopf (en avant du col de la Bresse) jusqu'au Trekopf (est de Krutt). Le bataillon se porte sur ses objectifs en deux colonnes : colonne de gauche franchit le col de la Bresse et va occuper Betriekopf et la ferme de Huss qui domine Mittlach, dans la vallée de la Fecht ; la colonne de franchit le col d'Odern à 7 heures, descend dans la vallée de la Krutt et escalade les pentes est de la vallée pour s'organiser sur la crête qui couvre depuis le Trekopf jusqu'à la ferme de Huss où se fait la liaison avec la 5ème compagnie.

Jusqu'au 14 août, aucun événement important ne se produit. Les compagnies se contentent d'envoyer des patrouilles chargées de découvrir les positions ennemies. Le 14 août, à 5 heures, les 1ère et 4ème compagnies se portant vers l'Est, occupent le Grand-Ballon; la 6ème compagnie prolongeant le mouvement vers l'Est effectue, à BitschwiIler. la liaison avec le 15ème bataillon en occupant la longue crête de 1203, le Sudel, Thomanplatz, Pastetenplatz.

Le 18 août, le 152ème régiment d'infanterie, débouchant du col de la Schlucht, se porte sur Munster par Stosswir et les pentes de Roothberg. Le 5ème a comme mission d'inquiéter le flanc gauche de l'ennemi.

Les 2ème et 5ème compagnies de Batriekopf descendent sur Mittlach, en direction de Munster, tandis que le reste du bataillon, dévalant, au petit jour, les pentes du Grand-Ballon pour escalader l'arête du Petit-Ballon, débouche au sud de Munster à 16 heures. L'ennemi, menacé par le Nord-Ouest et le Sud, n'attend pas l'attaque et se replie en hâte dans la direction de Turckheim. Le bataillon pénètre dans Munster vers 18 heures où il cantonne jusqu'au 20 août.

Le 20 août, la 8ème brigade, forte du 152ème régiment d'infanterie, du 5ème chasseurs, d'un groupe d'artillerie du 4ème, reçoit d'ordre de nettoyer le plateau d'Orbey et d'occuper les Trois-Epis.

A 4 heures du matin, le bataillon quitte Munster à la suite du 152ème et se dirige par Hohroth et Hohrothberg sur Giragouth. Le 152ème se heurte à une petite résistance ennemie qu'il surmonte rapidement. A 18 heures, le 5ème installe son bivouac aux Trois-Epis, en liaison à gauche avec les 12ème et 2ème bataillons de chasseurs alpins. Les Allemands sentant des forces supérieures dans les régions d'Orbey et de la Fecht, se replient à l'est de Colmar.

Le 21 août, le 5ème continue son mouvement en avant et va cantonner à Niedermorschwir. Le 22 au matin, le bataillon se dirige sur Turckheim par Ingersheim, laissant dans ce dernier village les 1ère et 5ème compagnies. A gauche de ces compagnies se trouve le 28ème B. C. A, Ingersheim est situé au nord-nord-ouest de Colmar, à environ 3 kilomètres de cette dernière ville. Le village est protégé au sud par le cours de la Fecht qui, à cet endroit, est assez large quoique peu abondante au mois d'août.

La route Colmar - Ingersheim franchit la Fecht par un pont de pierre qu'emprunte le chemin de fer à voie étroite Colmar - La Poutraye. La rive sud de la Fecht est bordée par une route allant à Turckheim; un bois de sapins d'une cinquantaine de mètres d'épaisseur longe la route sur 500 mètres environ. De l'autre côté du bois, des vignes hautes et touffues s'étendent jusqu'au faubourg d'Holgelbach.

Vers 10 heures du matin, une batterie allemande établie sur le terrain de manœuvre de Colmar entreprend un bombardement violent du pont d'Ingersheim et des rives de la Fecht. Vers 11 heures, une brigade de landwehr bavaroise, composée des 1er et 2ème régiments de landwehr, débouchant de Colmar, se porte le long de la route Colmar - Trayserberg à l'attaque du village d'Ingersheim ; les 1ère et 5ème compagnies, alertées par les sentinelles, prennent immédiatement position le long de la Fecht et sur le pont où une barricade a été élevée. Le 28ème bataillon de chasseurs prolonge à gauche les deux compagnies du 5ème; le combat s'engage aussitôt. Les Allemands se sont infiltrés dans le petit bois de sapins qu'ils occupent; à plusieurs reprises il tentent de s'emparer du pont, chaque fois les chasseurs rejettent l'ennemi à la baïonnette de l'autre côté de la route.

A 12 heures l'ordre est donné de contre-attaquer le flanc gauche de l'ennemi en se portant parallèlement à la route Turckheim - Ingersheim. Le reste du bataillon, rapidement rassemblé, se porte à l'attaque à midi 30. La 2ème compagnie a pour mission de charger le flanc de l'ennemi; les chasseurs se lancent à l'assaut; les Allemands, surpris d'une attaque qu'ils n'ont pas prévue, hésitent, reculent et finalement battent en retraite dans une véritable déroute, abandonnant leurs armes et leurs mitrailleuses. A 19 h. 30 environ, le combat est terminé.

Pendant plusieurs heures, deux compagnies du bataillon et deux compagnies du 28ème B. C. A. tiennent tête à toute une brigade allemande. Malgré les pertes sensibles, les hommes n'ont pas reculé d'un pas mais, au contraire, infligent une sanglante défaite à l'ennemi. Le lendemain matin, on trouve sur le champ de bataille 600 cadavres allemands, des armes en quantité, plusieurs mitrailleuses. L'ennemi, durement éprouvé, ne recommence plus ses attaques jusqu'au 28 août; le bataillon effectue son service d'avant-garde, tout en mettant en état de défense l'entrée de la vallée de la Fecht.



Entre-deux-Eaux.


Malheureusement, la situation militaire du Nord et du Nord-Est ne permet pas au commandement de conserver en Alsace les forces assez considérables qui s'y trouvent et le 5ème B. C. A. doit gagner Gérardmer, par Munster et le col de la Schlucht.

Le 30 août, il arrive à Gérardmer. De durs combats sont en cours depuis plusieurs jours à l'est de Saint-Dié que les Allemands occupent depuis le 22. A midi l'ordre parvient d'avoir à diriger et d'urgence le bataillon sur Saint-Léonard où le bataillon se trouve rassemblé à 22 heures.

L'ennemi occupe en ce moment la crête de Fouchifol, Mandray, la Behouille; dans la nuit le bataillon se porte à Entre-deux-Eaux, au pied de cette crête, en liaison à droite avec le 13ème chasseurs, à gauche avec le 23ème régiment d'infanterie. Le 1er septembre, à 5 heures du matin, le combat s'engage; il s'agit de déloger l'ennemi de la crête et le rejeter sur Provenlchère et l'ancienne ligne frontière.

Rapidement, le village d'Entre-deux-Eaux, dont l'ennemi tenait une partie, est enlevé ; la 3ème compagnie enlève d'assaut le hameau de Fouchifol. Malheureusement l'ennemi dispose de forces considérables et d'une artillerie nombreuse; le 23ème régiment d'infanterie, déjà éprouvé par quatre journées de durs combats, cède devant des forces allemandes supérieures. Le bataillon, menacé d'être tourné sur sa gauche, est obligé d'entamer un combat en retraite; il ne cède le terrain que pied à pied.

Les chasseurs se défendent avec un farouche. Le capitaine Nardin tombe frappé à mort. Le 3 septembre 1914. La section de mitrailleuses, en batterie dans le chemin creux qui monte à Fouchifol, fauche les Boches qui tentent de dévaler les pentes. Pris à parti par l'ennemi les mitrailleurs se défendent avec la dernière énergie puis cessent le feu.

A 16 heures, le bataillon rompt le contact et peut retraiter sans être inquiété sur Anould. Pendant douze heures, les chasseurs se sont battus sans arrêt ne cédant le terrain à l'ennemi que contraints par une supériorité numérique indiscutable. Les pertes de cette dure journée sont lourdes : un capitaine et deux sous-lieutenants tués ; un capitaine, un sous-lieutenant, 300 chasseurs blessés et environ 100 chasseurs morts ou disparus.

De son côté, l'ennemi épuisé par son effort ne cherche pas à prolonger la lutte. Il se contente de se cramponner à la crête de Fouchifol - Mandray et d'y rassembler des forces pour un nouvel effort.



La Crête de Mandray.


Mis en réserve à la papeterie d'Anould, les 2 et 3 septembre, les chasseurs du 5ème vont avoir à faire face à ce nouvel assaut. Pendant ces deux jours de repos, le bataillon est reformé tant bien que mal à l'effectif de quatre compagnies.

L'ennemi, qui se sent nettement arrêté dans la région d'Entre-deux-Eaux, va porter son effort sur la crête de Mandray, qui protège la vallée de Fraize et la route de Gérardmer. Pendant neuf jours consécutifs, les chasseurs vont avoir à lutter pour ne pas céder un pouce de terrain à l'ennemi. Le 4 septembre, le bataillon quitte Anould pour se porter au hameau de Mandramont, en réserve de brigade.

Le 5 septembre, le col des Journaux, qui domine et commande Fraize, est violemment attaqué par les Bavarois qui obligent le I33ème régiment d'infanterie à abandonner momentanément le col et à se replier sur Fraize. Le 6 septembre, il s'agit pour les chasseurs de reconquérir le terrain perdu la veille. A 16 h. 45, appuyé à droite par le 133ème régiment d'infanterie, le 5ème B. C. A. débouche de Fraize et escalade les pentes de la cote 628.

A 18 heures l'objectif est atteint et le terrain conquis mis en état de défense. Les pertes de la journée, si elles sont légères n'en sont pas moins sensibles : 20 chasseurs environ sont tués ou blessés et deux officiers, le lieutenant Tabourncl et le sous-lieutenant Adam, sont tués.

Le 7 septembre, relevées par le 133ème régiment d'infanterie, les quatre compagnies du bataillon sont rassemblées en arrière de la cote 628 pour attaquer dans la journée le col de Mandray. Déclenchée à 6 heures, l'attaque a un plein succès ; l'ennemi abandonne définitivement la crête et le col de Mandray. Les 1ère, 5ème et 6ème compagnies, placées en première ligne, organisent rapidement le terrain conquis, la 1ère compagnie est tenue en réserve. Chaque compagnie doit envoyer en avant de sa ligne de résistance sur les pentes nord de la crête, des patrouilles chargées de reconnaître l'ennemi. Vers 18 h. 30, les chasseurs de la 1ère compagnie qui barrent la grand'route entendent un chant rythmé par des fifres et des tambours. C'est l'ennemi qui, au chant de « Wacht am Rhein », tente une attaque en masse pour enlever le col.

Soudain, à 50 mètres, officiers en tête, l'ennemi surgit. Il y a là la valeur d'une compagnie. Visant bas, les chasseurs ouvrent un feu rapide, les Allemands hésitent, tourbillonnent et dévalent dans la nuit les pentes que quelques instants avant ils gravissaient si allègrement. Le lendemain matin, les chasseurs de la 1ère compagnie trouvent avec joie, en avant de leurs lignes, une vingtaine de cadavres et une quantité de fusils et d'équipements. Les 8 et 9 septembre, la position est organisée. Cependant l'ennemi, qui a cédé complètement du col du Bonhomme au col de Mandray, garde à gauche de ce point, devant le 13ème chasseurs, une sorte de fortin organisé dans les rochers. Il s'agit pour le 5ème bataillon d'aider les camarades du 13ème à enlever ce dernier poste ennemi.

Le 10 septembre, à 13 h. 30, les 1ère et 5ème compagnies commencent l'attaque. Jusqu'à la tombée de la nuit on se fusille à bout portant, l'ennemi se cramponne énergiquement et occasionne des pertes assez sérieuses aux deux unités engagées.

Pendant la nuit les Allemands, qui viennent de perdre les deux batailles de la Marne et du Grand-Couronné de Nancy, battent en retraite et, le II au matin, les chasseurs sont tout surpris de ne plus rencontrer l'ennemi en patrouille là où ils l'ont laissé la veille. A 9 heures, l'ordre est donné au bataillon d'entamer la poursuite en se portant sur Haute-Mandray. Là, les chasseurs sont assez heureux de délivrer 22 chasseurs du 13ème, blessés, que les Allemands n'avaient pas eu le temps d'enlever.

Le 12 au matin, le bataillon, reçoit l'ordre de se porter par Coinches sur Raves et Bertrimoutier où il séjourne jusqu'au 16.

Le 16 septembre, le capitaine Lallemand avec deux compagnies se porte sur Neymont-les-Fosses. Les Allemands qui, le 11 septembre, se sont retirés de Saint-Dié occupent encore la montagne d'Ormont et le Spitzenberg, mouvements de terrain importants qui dominent complètement la ville. Il s'agit d'enlever à l'ennemi cette puissante position. Pour cela, les deux compagnies de bataillon, le 46ème chasseurs et le 152ème régiment d'infanterie rentré d'Alsace prennent position pour l'attaque. Celle-ci se déclenche le 18. La 5ème compagnie occupe, malgré une défense énergique et de violents tirs d'artillerie ennemie, le Spitzenberg, parachevant son œuvre les 19 et 20.

Le 21, les deux compagnies laissées à Coinches rejoignent le bataillon qui, le 26, relevé par le 152ème régiment d'infanterie, se porte sur Saint-Dié et de là sur Raon-l'Etape. Depuis deux mois, le 5ème chasseurs n'a pas pu prendre un jour de repos, ses unités sont plus ou moins désorganisées par les pertes, il est de toute nécessité de reformer le bataillon. Aussi, le commandement donne au 56 un secteur calme à tenir pendant quelque temps tandis qu'il reçoit les renforts destinés à le compléter.

La guerre de mouvement est maintenant finie pour de longs mois; c'est la guerre de tranchées qui commence.



La Vallée de Celles-sur-Plaine.


Le 29 septembre, le bataillon s'installe dans le secteur de Celles. L'état-major et deux compagnies stationnent au hameau de la Trouche, est de Raon-l'Etape, une compagnie occupe les avant-postes au lieu dit la Halte, sur la crête qui sépare la vallée de Celles de celle du Rabodeau.

Pendant soixante-dix jours, le 5ème bataillon séjourne sur ses positions. A tour de rôle, les compagnies, après quelques jours passés aux avant-postes, descendent se reposer à la Trouche.

Le 31 octobre, l'ordre parvient de lancer une forte reconnaissance offensive sur les tranchées ennemies de la Halte, situées à 200 mètres des nôtres. A 6 h. 30 l'attaque se déclenche. Malheureusement, l'ennemi est attentif et veille; malgré leur ténacité les chasseurs ne peuvent parvenir à la tranchée allemande qui les domine et sont obligés de se replier sous une grêle de balles ayant perdu une cinquantaine de tués et blessés dont deux officiers.

En novembre, les renforts venus du dépôt permettent de reformer les six compagnies et la section de mitrailleuses.

Le 10 décembre, le bataillon complètement reconstitué, bien encadré, est relevé par le 70ème chasseurs alpins. De nouveau, le 5ème chasseurs pénètre en Alsace. De durs combats l'y attendent, car il faut non seulement arrêter l'ennemi, mais protéger contre ses attaques la riche vallée de la Thur. C'est à la 66ème division qu'incombe cette dure mission. Le 12 décembre, elle reçoit le 5ème bataillon de chasseurs qui ne doit plus la quitter jusqu'à la fin de la guerre



En Alsace - Steinbach.


A peine arrivé à Husseren, le commandant Colardelle reçoit l'ordre d'opérations pour la journée du 13. Il s'agit d'enlever Steinbach, village situé en avant de Cernay, au nord de Thann. Trois compagnies du bataillon, les 1ère, 2ème et 3ème compagnies et la section de mitrailleuses doivent participer à l'attaque, appuyées à droite par un bataillon du 213ème régiment d'infanterie et soutenues à gauche par une compagnie du 686 chasseurs alpins., Les trois autres compagnies sont maintenues en réserve à Villers.

Le 13, à 4 heures, le bataillon quitte son cantonnement. Après une marche pénible, par des sentiers à peine frayés, les unités parviennent à leur emplacement de départ à 13 heures. Tandis que la 1ère compagnie se place à l'ouest de Steinbach, face au village, la 2ème compagnie, par un mouvement de flanc, gagne la croupe dite de la Chapelle-Saint-Antoine qui domine le village au nord et d'où elle doit dévaler sur Steinbach ; la 3ème compagnie suit la 2ème et doit rester momentanément sur cette croupe pour interdire à l'ennemi un retour offensif. A 13 h. 30 l'attaque se déclenche. Les chasseurs, que rien ne peut retenir, pénètrent dans Steinbach où l'ennemi, surpris par une .attaque qu'il n'a pu prévoir, ne cherche plus à se défendre contre des forces qu'il croit de beaucoup supérieures. A 15 h. 30, le comb est terminé, les chasseurs sont maîtres de la position.

A 18 heures, la situation est la suivante : la 3ème compagnie se porte en avant et à gauche de Steinbach tandis que les 1ème et 2ème compagnies s'installent à michemin entre Steinbach et Cernay.

De son côté, l'ennemi qui a été surpris se ressaisit. Le 161ème régiment d'infanterie prussienne, qui est au repos à Mulhouse, est alerté, embarqué pour Cernay où il arrive le 14 décembre, à 4 heures du matin. A 6 heures, la 3ème compagnie, qui couvre Steinbach à gauche, est violemment attaquée par un bataillon. Pendant plusieurs heures les chasseurs résistent, malheureusement, la supériorité de l'ennemi est écrasante. La compagnie est bousculée et obligée de rétrograder, découvrant alors les deux autres compagnies, qui, attaquées aussi, se battent avec acharnement.

A 10 heures, le commandant donne l'ordre de retraite et tout en combattant les chasseurs se replient sur le Schletzenburg. L'ennemi, fatigué, n'ose poursuivre. Là, les trois compagnies laissées à Villers rejoignent dans la nuit du 14 au 15. La 4ème est immédiatement envoyée pour occuper la croupe de la Chapelle-Saint-Antoine et le ravin du Schmitenrunz, face à Uffholtz. La 5ème compagnie est mise à la disposition du colonel commandant le 213ème régiment d'infanterie pour renforcer le bataillon de ce régiment qui a pu la veille s'emparer d'une tranchée ennemie sur la cote 425 malgré de lourdes pertes et qui est à ce moment violemment contre-attaqué.

Pendant deux jours les chasseurs se battent avec acharnement, subissant des pertes sensibles à Goldbach. Le 16 décembre au soir, l'ordre de relève parvient et, profitant de la nuit, le bataillon se porte sur Bitschwiller.

Ces trois journées de combat furent particulièrement dures pour le bataillon : 1 capitaine, 1 lieutenant tués; 1 capitaine, 1 lieutenant blessés. Capitaine Villigens et lieutenant de Monléon prisonniers. Environ 400 chasseurs tués ou prisonniers. Aussi, lorsque le bataillon se réorganise faut-il revenir à la situation du 3 septembre, c'est-à-dire à quatre compagnies et à la S. H. R.

Pendant trois jours le bataillon profite d'un repos bien gagné.

Le 17, les 2ème et 3ème compagnies sont rétablies grâce à l'arrivée de renforts. Malheureusement, c'est un court entr'acte et, dès le 18, le 5ème bataillon doit occuper un secteur qui, s'il est réputé comme calme, n'en demande pas moins une constante vigilançe. Ce secteur s'étend de la vallée de la Lauch à gauche jusqu'au Molkenrain à droite, formant deux sous-secteurs : le secteur de la Lauch, confié aux 4ème et 6ème compagnies ; le secteur du Goldbach, comprenant le reste. Là, grâce à l'arrivée de renforts, les six compagnies du bataillon sont réorganisées à nouveau.

Le 20 décembre, le bataillon occupe l'ensemble du secteur qui lui est confié. La 2ème compagnie au col Sudel, la 5ème compagnie à Freundstein, la 1ère au Molkenrain en liaison à droite avec le 28ème B. C. A. dont les éléments avancés occupent le Silberloch et le sommet de l'Hartmannswillerkopf.

Le 4 janvier, la compagnie du 28ème en position à l'Hartmann est violemment attaquée par l'ennemi et doit mometanément abandonner sa tranchée. Le 5ème bataillon, pour qui le 28ème est déjà un vieux camarade de combat, est chargé de lui venir en aide; deux sections de la 1ère compagnie sont mises à la disposition du capitaine Regnault du 28ème.

le 8 janvier, le front du bataillon se rétrécit par l'entrée en ligne du 68ème B. C. A. qui occupe la région Silberloch - Molkenrain, permettant à la compagnie de la Beaume de venir cantonner à Goldbach. Le 13 janvier, le 5ème est relevé aux avant-postes par le 213ème régiment d'infanterie et gagne Moosch où il séjourne jusqu'au 18 janvier.



A Uffholtz.


Le 18 janvier, le régiment releve le 15ème bataillon de chasseurs sur les plateaux d'Uffholtz. Au soir, le bataillon quitte Saint-Amarin et, par Willers-Thomannsplatz, Herrenfluch, gagne ses emplacements. Vers le soir, l'ennemi effectue un bombardement extrêmement violent sur le plateau d'Uffholtz; plusieurs de nos tranchées sont bouleversées, les abris s'effondrent. A la nuit, le bombardement s'arrête, ayant causé malheureusement des pertes très sensibles à la section de mitrailleuses. Pendant plusieurs jours, les 20, 21 et 22, l'ennemi, par ses tirs d'artillerie, harcèle la position.

Le 23, le jour à peine levé, le tir se déclenche plus fort que jamais, prenant les véritables allures d'un tir de concentration. A 13 heures, le tir s'intensifie encore, achevant de désorganiser les tranchées, les flanquements et les abris. A 15 h. 45, le tir s'allonge et, au même moment, une brusque et vigoureuse attaque ennemie se déclenche, débouchant du chemin creux d'Uffholtz et dirigée sur le front de la compagnie de gauche du 5ème bataillon et la droite du 28ème B. C. A. dont la section de liaison, très malmenée par le tir d'artillerie ennemie, est obligée de se replier. Les sections de la compagnie de gauche du 5ème, également très éprouvées par le tir de préparation, sont obligées également de se replier devant la poussée ennemie qui se produit non seulement sur leur front, mais également sur le flanc gauche.

Les 2ème et 3ème compagnies sont alors envoyées pour contre-attaquer et reprendre à l'ennemi les tranchées perdues. Elles se dirigent péniblement sur leur objectif sous une rafale d'obus et au milieu des abatis et des entonnoirs produits par le bombardement.

La 3ème compagnie refoule, au prix de pertes sévères, l'ennemi qui s'était déjà infiltré dans les bois en arrière de la position. La compagnie Beucler atteint la lisière du bois et la section Gadat, de la 5e compagnie, poussant u contre-attaque rapide, réoccupe une partie de la tranchée perdue en faisant 12 prisonniers.

Au centre et à droite, la contre-attaque menée par la 5ème compagnie est accueillie par un feu meurtrier d'infanterie, de bombes et de grenades et obligée de regagner la lisière du bois.

Le 24 au matin, trois compagnies du 5ème bataillon sont mises à la disposition du commandant Colardelle pour préparer la contre-attaque destinée à reprendre les éléments perdus. Le 25, cette contre-attaque est tentée; malheureusement l'ennemi, qui s'est considérablement renforcé, arrête net les chasseurs qui ne peuvent atteindre les fils de fer. Une cinquantaine d'hommes sont blessés, 26 sont tués ou disparus.

Le 27 janvier, l'ennemi, enhardi par son demi-succès du 23, tente un nouvel effort sur la compagnie de gauche mais les chasseurs veillent et arrêtent net par leur feu les Allemands qui, péniblement, se replient sur leur tranchée de départ. Pendant sept jours un calme relatif s'établit, mais le 4 février, à l'aurore, l'ennemi déclenche un tir d'une violence sans précédent au moyen de pièces de tous calibres. Jusqu'à 9 heures le terrain est labouré, les tranchées sont retournées.

A 9 h. 30, l'infanterie ennemie attaque sur tout le front de la croupe nord-ouest d'Uffholtz tenue par les 3ème et 4ème compagnies, une partie de la 6ème compagnie et la section de mitrailleuses. Grâce à l'énergie et à la vaillance des chasseurs la poussée ennemie est contenue un certain temps. A 10 h. 30, l'attaque se prononce plus violente, notamment sur les mitrailleurs et la tranchée de gauche de la 6ème compagnie qui, sous la poussée d'un ennemi supérieur en nombre, se replie. Les mitrailleurs, dans leur abri, se défendent avec acharnement malgré des pertes sérieuses et leur matériel fortement endommagé. A leur tour, ils sont obligés de se replier

A 12 heures, le commandant Colardelle tente un premier effort pour reprendre le terrain perdu. Il lance d'abord deux sections de la 1ère compagnie du 15ème, mises à sa disposition, et la section de réserve de la 6ème compagnie du 5ème qui réussissent à reprendre la première ligne de tranchées. A 13 heures, la 2ème section de la 2ème compagnie du 5ème et deux sections de la 5ème s'élancent à leur tour et reprennent une partie du terrain perdu. A 14 h. 30, la 4ème compagnie, s'élançant à la baïonnette, reprend de vive force la dernière tranchée que l'ennemi tenait encore. Une quarantaine de prisonniers tombent en notre pouvoir. L'ennemi, sentant la partie perdue, regagne ses positions de départ.

Après cette dure journée, le bataillon est relevé et, le 5, il gagne Moosch sauf deux compagnies qui restent en réserve à la disposition du 15ème bataillon de chasseurs.

Le 6 février, les chasseurs s'organisent au cantonnement, se nettoient et s'apprêtent à passer un repos bien gagné qu'on leur promet de quelque durée. Le 13, alerte. L'ennemi, qui jusque-là ne manifestait aucune activité dans la vallée de la Lauch, vient d'attaquer les éléments avancés du 213ème régiment d'infanterie et semble vouloir marcher sur Niderlauchen. Il faut à tout prix enrayer cet effort. Le 5ème, à l'effectif de quatre compagnies, se porte alors, dans la nuit du 13 au 14, sur la crêt de Markstein - Drehkopf.

Dans la journée du 14, la 2ème compagnie se dirige sur Niderlauchen, tandis que la 5ème se porté sur la ferme de Steinlebach. La 6ème compagnie gagne Breitfirtz en réserve. Le 15 février, le 27ème bataillon de chasseurs, qui était au repos dans les environs de Ventron, vient relever le 5ème, lui permettant ainsi de rentrer à Moosch où il séjourne jusqu'au 23 février.

Le 24, le bataillon doit relever le 15ème bataillon de chasseurs sur les positions qu'il a déjà occupées au début du mois : le plateau d'Uffholtz.

Pendant un mois et demi, le Se B. C. A. garde le secteur qui, au début de février, fut le théâtre de luttes acharnées. L'activité ennemie est en ce moment très réduite, à part quelques rafales journalières d'obus. Les chasseurs en profitent pour organiser sérieusement la position et rendre toute surprise impossible.


Laurent CLAVEYROLAS passe au 121ème Bataillon de Chasseurs le 12 mars 1915.


Le 121ème, composé d'éléments pris dans les dépôts des 3ème, 5ème, 10ème et 31ème B. C. P., se forme à Langres, en mars 1915. Il en part le 7 avril, arrive le 13 à Mirecourt, stationne dans la région des Vosges, jusqu'au 25 mai 1915, date à laquelle il monte pour la première fois en ligne. Le bataillon occupe les positions nord du col de la Schlucht, secteurs du Mirador, Reichakerkopf-Sattel. Il quitte ces positions, le 22 juillet, pour tenir celles du Lingekopf où il commence à se préparer à l'attaque des formidables défenses du Linge et du Schratz-mannele.

Le 27 juillet, à 14h 30, les compagnies d'attaque, dans un élan magnifique, se précipitent à l'assaut des tranchées ennemies, mais trop tôt décimées par les mitrailleuses ennemies, le barrage de gros calibre, les vagues d'assaut sont obligées de stopper. Les chasseurs s'accrochent au terrain. Ils en organisent la défense et ils conserveront pendant huit jours, en dépit des contre-attaques ennemies, ces quelques centaines de mètres si chèrement payés du sacrifice de tant de leurs camarades.

Quelques jours de repos dans les Vosges, puis en Lorraine, puis c'est la participation à la grande offensive de Champagne. Deux compagnies attaquent le 28 septembre, mais leur élan audacieux se brise contre les réseaux ennemis, qui sont demeurés intacts. Les jours suivants, tantôt en première ligne, tantôt en réserve, le bataillon est employé à des travaux d'organisation défensive. Il est soumis pendant tout ce temps à de violents bombardements et subit de sérieuses pertes.

Le 25 octobre, retour dans les Vosges; le 16 novembre, le 121ème est passé en revue par le général JOFFRE. Il prend ensuite la garde d'un secteur sur le col du Bonhomme, secteur qu'il conservera jusqu'au 12 février 1916.


Laurent CLAVEYROLAS passe au 26ème Bataillon de Chasseurs le 22 avril 1916.


A la fin de mai 1916, le bataillon est encore dans le même secteur et tout ce rêve, progressivement, est devenu réalité. Sauf le mois de mars passé au repos, les chasseurs ont eu tous les 28 jours, en principe, 7 jours de repos, passés pratiquement au travail. Le bataillon subit en outre le 27 février et le 27 mai deux grosses attaques, reçut deux fois des nappes de gaz, sans compter les incessants bombardements, les patrouilles et les coups de main journaliers.



Verdun - juin 1916.


La 127ème division quitte définitivement la Champagne le 4 juin 1916 ; elle est dirigée sur un point du front où, depuis trois mois, une immense bataille est engagée : Verdun !

D'Haudainyille, où déjà les obus sont venus cueillir des victimes dans ses rangs, le 23 juin, à midi, le bataillon part, et lentement s'achemine vers la bataille, sous un soleil de plomb.

Trois compagnies s'engouffrent dans le tunnel. Là règne un calme sépulcral, quelques ampoules électriques trouent de pâles halos, la nuit opaque du souterrain. Branle-bas de combat. « on monte ». dehors le jour éblouit et le fracas des obus assomme. L'interminable colonne suit par un sous bois un boyau comblé de morts et d'éboulis. La nuit tombe. alors s'étend la plaine. une plaine chaotique semblable à une mer déchaînée.

A travers ce désert lunaire, on avance, on avance en trébuchant, il pleut des obus partout devant, le feu d'artifice des fusées indique le but et attire et on avance vite, le plus vite possible, car on a hâte d'arriver pour subir, immobile et terré, cet infernal orage, au lieu de s'y débattre, exténué, mais héroïquement tenace.

Les balles sifflent. quelques trous d'obus plus allongés que les autres. c'est la tranchée. Le bataillon est arrivé au bois Fumin. quelques tronçons de troncs d'arbres calcinés jonchent le sol ulcéré de cette plaine bouleversée. Le jour bientôt se lève devant la tranchée, c'est le vide d'un ravin ; à l'est, la muraille échancrée du fort de Vaux se profile très bas sur l'horizon ; à l'ouest, les pentes de Douaumont, désertiques et mouchetées de fumées, s'épandent jusqu'à nous ; derrière, Souville, enfumé, empoisonné, nous regarde et semble veiller sur nous.

Pendant cinq jours le bataillon reste là, isolé du reste du monde. La mort seule vient le visiter, trop souvent, hélas ! suivie aussi de la souffrance. Bientôt se fait sentir la soif, torture horrible, décuplée par la chaleur et l'angoisse. Les chasseurs la supportent d'abord en silence. A la fin c'en est trop, il vaut mieux mourir et des volontaires partent chercher de l'eau. La moitié à peine reviennent douze heures après, les autres jonchent la plaine, victimes de leur dévouement.

Le 29 au soir, c'est la relève. Cinq jours après, il faut rempoter à la batterie de l'Hôpital et la batterie de Dainloup, et les mêmes scènes recommencent. Chaque fois, au cours de ces va-et-vient, nombreux sont ceux qui tombent.

Relevé le 8 juillet, le bataillon est de nouveau alerté le 12 et rassemblé vers le champ de tir, prêt à contre-attaquer, mais tout s'arrange en ligne probablement, car il quitte définitivement la région le 15, sans avoir eu à intervenir de nouveau.



Dans la boue.


Le 20 juillet, le 26ème est en ligne devant Soissons, secteur calme, où il se repose, il y reste jusqu'au 10 août et, après une période d'instruction dans la région de Fismes, il se dirige de nouveau vers le canon.

Il y a plus d'un mois que la bataille est engagée, l'Allemand s'est ressaisi ; il bombarde presque autant qu'à Verdun ; il est en alerte, il dispose d'un grand nombre de mitrailleuses, il est encore dans sa zone foitifiée. S'il faut attaquer, ce sera donc comme aux Eparges ou en Champagne et, pardessus tout, pour comble d'infortune, il y a la boue. La boue, ce cinquième élément.

Après cinq jours de stationnement en réserve dans la carrière Tatoy, le bataillon est engagé le 27 à l'est de Bouchavcsnes. Il relève, après attaque, à la ferme Bois-Labé, des éléments de la 253ème brigade. Il mène jusqu'au 30 une vie qu'il connaît bien, celle des secteurs agités : alerte plusieurs fois par nuit, soit que l'ennemi attaque, soit qu'un corps voisin fasse lui-même une tentative. Le tout finit par des bombardements réciproques qui bouleversent encore ce pauvre terrain, déjà liquéfié par la pluie.

Relevé le 1er octobre, le bataillon bivouaque au moulin de Fargny. Il pleut, il pleut toujours. Les routes deviennent des ruisseaux pleines de fondrières où s'enlisent caissons et voitures, les champs eux-mêmes sont des cloaques où les chevaux enfoncent jusqu'au ventre.

Le 5 octobre, la 254ème brigade est mise à la disposition de la 12ème division et, le 7 octobre, le 26ème, en liaison avec le 19ème B. C. P., se porte à l'assaut des organisations intactes de l'Epine de Malassise et de la tranchée de Detva.

L'ennemi a autant d'artillerie qu'à Verdun autant de mitrailleuses qu'en Champagne. Malgré tout, le bataillon progresse. La 4ème compagnie arrive au contact de la tranchée ennemie, mais les réseaux de fil de fer sont intacts, les Allemands la mitraillent à bout portant.

Relevé le 8 octobre, il est ramené le 20 dans un camp aux environs de Suzanne, où il stationne dans la boue toujours. Le 30 il relève, à l'est de Bouchavesnes, le 25ème B. C. P., dans un secteur rendu très dur par les bombardements continuels et une pluie incessante.

Vers 16 heures, départ du camp de Suzanne ; sous les nuages bas, la nuit vient vite. Après avoir suivi la Somme, qui étale complaisamment ses marais, traversé Curlus anéanti, puis un vaste plateau lacéré de tranchées, la colonne débouche dans le ravin de Bouchavesnes.

La glaise, diluée par la pluie opiniâtre, y forme un énorme cloaque de boue qu'une multitude pétrit sans cesse. Par la nuit noire, la colonne serpente au bas de la falaise nord-est du ravin, car les obus tombent drus. Les chasseurs s'enlisent jusqu'à mi-cuisses, mais chacun courageusement s'efforce. le ravin quitté, le bataillon fait sa relève sur le plateau au nord de Bouchavcsnes. Là, chaque homme se tapit dans la glaise molle et reste lourd et écrasé, sous sa carapace de boue.

Relevé le 11 novembre, le bataillon n'est pas encore au bout de ses peines, il remonte en ligne aux lisières ouest du bois de Saint-Pierre-Waast du 1er au 10 décembre, date de sa relève par l'armée anglaise.



Attaque de l'Aisne 1917.


Le 2 janvier 1917, le 26ème bataillon de Chasseurs se rend dans la région de Dormans où il entre dans la formation de la 166ème D. I. Cette nouvelle division, à partir du mois de mars, est employée à l'organisation du secteur de l'Aisne entre Soupir et Moussy, occupe un certain temps les premières lignes et, pour l'attaque du 16 avril, se trouve être en seconde ligne dans le 6ème corps.

A partir du 21 avril, le bataillon tient les tranchées nouvellement conquises du Chemin des Dames et exécute des travaux en vue d'une attaque prochaine. Le 5 mai, jour de l'assaut qui doit nous donner le fameux plateau du Chemin des Dames, la mauvaise chance veut qu'il soit en réserve et il a la destinée habituelle dans ce cas.

Trois compagnies sont prêtées au 171ème R. I. et prennent part à une attaque sur La Royère. Les autres unités font des travaux ou transportent du matériel et des munitions pendant la nuit, il faut circuler sous les barrages, il y a des pertes, des fatigues énormes et le 26ème peine et travaille. Après huit jours de repos à Rozières, alors que tout faisait croire à un retour vers l'arrière, le 20 mai il faut remonter en ligne relever les camarades de la 127ème D. I. qui viennent d'être attaqués.

Une marche, par une chaleur lourde et étouffante d'une nuit d'orage, amène le 26ème à Chassemy, d'où il monte le lendemain en première ligne, au Chemin des Dames.

Nos tranchées occupent le rebord nord du plateau, mais le fond du ravin de l'Ailette leur reste caché et l'ennemi y circule librement ; il tient en outre, en face, toutes les hauteurs de Monampteuil. Quelques boyaux insuffisamment profonds traversent le plateau ; ils ont le don, à la moindre pluie, de se remplir de boue où on s'enlise jusqu'aux épaules. L'ennemi voit tout et ne ménage pas ses projectiles. De jour il est presque impossible de circuler, on ne peut travailler que la nuit.

Le 27 mai, les Boches attaquent à l'aile gauche de la division. La 2ème compagnie du bataillon est envoyée avec les Sénégalais pour reprendre le terrain perdu par le corps voisin.

Jusqu'au 3 juin la vie d'un secteur agité qui, après une attaque, cherche un régime d'équilibre, continue. Matin et soir, les avions ennemis viennent faire leurs petites reconnaissances, souvent très près du sol.

Cantonné en juin dans la région de Soissons, le 26ème est embarqué le 21 du même mois à destination de la Haute-Saône, où il reste trois semaines, au repos et à l'instruction à Corbenay.

A partir du 14 juillet, il occupe un secteur dans les Vosges, au Violu d'abord, puis à Sainte-Claire ; il y mène une existence laborieuse, malgré de nombreuses patrouilles, c'est presque un repos.

Le 5 novembre, les Allemands essayent de faire un coup de main sur une section de la 3ème compagnie ; ils échouent piteusement malgré une violente préparation d'artillerie.

Dans la nuit du 8 au 9 janvier, le bataillon est relevé par le 19ème B. C. P. ; il reste quelque temps à Saint-Dié. A partir du 25 il se dirige par étapes sur le camp de Villerxesel. Il cantonne successivement à Bruyère, Lepanges, Chenimesnil, Remiremont, au Val d'Ajol, Corbenay.

Le 8 février il arrive à destination à Cerre-les-Noroy et Valleroi-le-Bois. Aussi l'instruction est reprise. Le 15 mars, il repart pour les Vosges en chemin de fer. Après une semaine de travaux dans la région de Saint-Dié, le 24 mars il se dirige sur La Houssière, puis sur la Chapelle où il s'embarque. Le voyage est mouvementé. Les trains doivent stopper 18 heures en pleine voie avant d'arriver à Châlons, où la ligne est coupée par les avions ennemis. Il passe de nuit au Bourget, en pleine alerte d'avions.

Le train s'ébranle dans la direction de Creil. A Creil, on apprend que Montdidier est pris. Le débarquement commence. Les chasseurs montent en camion. Le convoi traverse des villages, dont les maisons sont ouvertes et paraissent abandonnées ; il est arrêté à maintes reprises par les patrouilles anglaises. Des voitures dans les fossés, des cadavres des chevaux sur la route, des canons abandonnés un peu partout, donnent l'impression d'une débâcle.

A Esclainvillers, voulant s'assurer de la route. Le front français était à ce moment-là à peu près reformé le long de l'Avre et du ruisseau des Trois Doms. Le 29, au soir, le bataillon se porte à Aubvillers, en réserve de secteur.

Vers 20 h. 30 à hauteur de la ferme Fourchon, il est annoncé que les Allemands attaquent, qu'ils viennent de s'emparer de Bouillancourt et de Marest- Montiers et qu'ils progressent vers l'ouest. La retraite de l'artillerie et de plusieurs fractions d'un régiment voisin confirme les dangers de la situation qui, dans l'obscurité, pouvait devenir rapidement tragique. Il est temps. à la lueur d'une meule de paille incendiée du côté de Malpart, l'ennemi apparaît à quelques 800 mètres.

Le lendemain 30 mars, au lever du jour, le bataillon se trouve échelonné le long de la route Grivesnes-Aubvillers, sur l'immense plateau de la ferme Fourchon. Les éléments de tranchée faits la nuit lui permettent d'attendre l'ennemi avec confiance. Mais l'Allemand vient de faire 60 kilomètres à la poursuite des Anglais. Il a surtout une supériorité numérique écrasante et il veut en finir.

A 6 heures il attaque et s'empare de Braches et d'Hargicourt. Le 26ème Bataillon de chasseurs est là, on ne passe plus. Deux corps à sa gauche se replient. qu'importe. il prend tout à son compte plus de trois kilomètres de front. Le commandant Gaugeat se porte devant Aubvillers, organise la résistance, engage deux compagnies de renfort dans le secteur du régiment de gauche, se reconstitue une réserve avec la 2ème compagnie assez éprouvée déjà : prêtée au corps voisin et presque complètement entourée par l'ennemi. Mais le front est trop grand, le capitaine d'Anselme et le lieutenant Renaut arrêtent devant le village tout ce qu'ils peuvent ramasser : des cuirassiers qui s'en allaient en arrière après relève, des hommes du 294ème R. I. qui se repliaient, des territoriaux qui suivaient le mouvement. La ligne est ainsi à peu près rétablie et, devant l'intensité de nos feux, l'ennemi s'arrête, il est 10 heures.

Un peu de repos. les uns dorment, d'autres mangent, d'autres nettoient leurs armes ou préparent leurs cartouches. Vers 10 h. 30 l'ennemi veut reprendre son mouvement, mais ses éléments avancés restent cloués par nos mitrailleuses et nos F. M. Soutenues alors par une très violente fusillade et un bombardement très serré, ses réserves s'approchent. Sur le plateau c'est un moutonnement continu de tirailleurs ennemis qui se lèvent, courent et disparaissent, il est difficile de les saisir avec le fusil, malheureusement l'artillerie française n'a pas assez de munitions.

Vers 13 heures le bombardement redouble d'intensité ; il est bientôt suivi d'une attaque générale. Les Allemands veulent enlever le village d'Aubvillers. Décimés, ils échouent sur tout le front du bataillon. Malheureusement le barrage français n'est pas assez long. Les éléments des différents corps sont pris de panique à cause de quelques coups courts et refluent en désordre, créant un trou de 400 mètres aux lisières sud du village à l'endroit où l'attaque est des plus pressantes.

L'ennemi s'infiltre dans le village. La 2ème compagnie, seule réserve, est lancée à la contre-attaque. Quelques éléments de la 5ème se joignent à elle. Mais la lutte est trop disproportionnée.

Les Allemands essaient de déboucher d'Aubvillers ; à trois reprises ils sont fauchés par les mitrailleuses de la lère C. M. Ils amènent près du village une batterie qui tire à 1.000 mètres. le 26ème tient toujours. Mais, vers 18 heures, dans le secteur du régiment de gauche, ils s'emparent de Sauvillers et s'infiltrent dans le bois des Arachies. Toute la gauche du bataillon est ainsi prise à revers sur une pente qui fait face à l'ennemi. Par échelon, faisant toujours tête, le 26ème gagne alors les bords du plateau au nord-ouest de Grivesnes et, sur ce front plus réduit, il tient définitivement tête à l'envahisseur.

Cette journée est une des plus dures de l'histoire de guerre du 26ème ; en douze heures de combat acharné, sous la pluie, dans la boue, brûlant plus de 350.000 cartouches, le bataillon réussit sur un front immense contre un ennemi dix fois supérieur en nombre à ne reculer que de 1.500 ou de 2.000 mètres sans se laisser disloquer.



Laurent CLAVEYROLAS est porté disparu le 30 mars 1918 à Aubvilliers (Somme).

Il sera provisiorement présumé prisonnier,

il sera inhumé au cimetière nord du parc de Grivesnes (Somme).




Il est cité à l'honneur du Régiment le 18 mai 1917.

Excellent chasseur, d'un moral élevé au front depuis le début de la guerre, apris part brillament à toutes les affaires dans lesquelles son unité a été engagée, en particulier pendant les combats du 27 avril au 5 mai 1917, a été blessé deux fois.

Il est décoré de la croix de guerre étoile de bronze.





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